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Maître Le Gallo, aider juridiquement les porteurs de projet à créer une structure sur mesure

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Maître Jean-Marc Le Gallo est associé au cabinet Carlini & associés inscrit dans les barreaux de Marseille, Draguignan, Aix-en-Provence et Avignon. Dans le cadre de l’accompagnement proposé aux porteurs de projet par l’URPS ML PACA, le cabinet Carlini, spécialisé notamment dans le droit de la santé et la responsabilité médicale, est le partenaire de l’Union pour l’assistance juridique.

EN QUOI CONSISTE VOTRE ACCOMPAGNEMENT ?

MAÎTRE JEAN-MARC LE GALLO : Notre cabinet d’associés est un cabinet de longue date puisqu’il existe depuis plus de 30 ans. Nos missions premières sont tournées vers le monde de la santé, et nous intervenons principalement pour les professionnels de santé au niveau juridique, fiscal, social et immobilier. Ces missions premières font des structures juridiques des CPTS notre cœur de métier, car connaissons très bien leurs sujets.

À l’heure actuelle, le cabinet affecte entre 5 et 6 personnes en permanence (deux avocats collaborateurs, un avocat en droit social, Maître Philippe Carlini, associé fondateur, et Maître Jean-Marc Le Gallo, responsables de l’équipe) pour l’accompagnement des porteurs de projets, et en un an et demi nous avons accompagné une quinzaine de structures CPTS, en passe de signer le contrat ACI avec l’ARS et la CPAM pour obtenir les financements.

Une fois l’ACI signé nous proposons également un accompagnement juridique pour le suivi, pour tenir une assemblée générale, ou pour les questions juridiques qui se posent.

COMMENT SE TRADUIT CONCRÈTEMENT L’ACCOMPAGNEMENT D’UN PORTEUR DE PROJET ?

MAÎTRE JEAN-MARC LE GALLO : Dès qu’un porteur de projet est identifié, l’URPS ML PACA nous met en relation pour que nous organisions très rapidement une réunion.

Grâce à cette première rencontre, nous discutons des grandes lignes de leur projet de structure et des potentielles clauses qui en émanent.

Il faut bien avoir en tête que chaque projet est différent, unique, dans le sens où toutes les CPTS n’ont pas la même vision de l’exercice coordonné, ou n’ont pas le même chemin de développement de leur projet. Les modes de gouvernance (représentation des différentes professions en conseil d’administration par exemple) et les membres des structures diffèrent d’une CPTS à l’autre. Nous sommes donc amenés à faire du « sur mesure » avec les porteurs de projets que ce soit pour le statut juridique, mais aussi pour les conseiller sur l’organisation démocratique et opérationnelle.

LA PROBLÉMATIQUE DU STATUT JURIDIQUE EST CENTRAL, COMMENT CHOISIR ?

MAÎTRE JEAN-MARC LE GALLO : Effectivement, il existe plusieurs statuts juridiques la Société Interprofessionnelle de Soins Ambulatoires (SISA), l’association, la coopérative, le Groupement d’Intérêt Économique (GIE), le Groupement de Coopération Sanitaire (GCS) et aucun n’est imposé par la loi.

C’est donc aux porteurs de projet de décider seul du statut qui leur convient le mieux.

En revanche, tout le monde s’accorde à dire que la structure juridique la plus adaptée pour le moment est celle du modèle associatif. En effet, il est le seul, parmi ceux existants, qui permet d’associer des personnes physiques du monde de la santé avec des personnes morales (par exemple des EHPAD, des hôpitaux).

Même si les autres structures présentent également d’autres avantages, ces statuts ont d’autres inconvénients. Par exemple, dans une SISA, on ne peut pas accueillir des personnes morales ainsi, il est impossible d’associer un hôpital, un EHPAD ou autres. Or l’intérêt d’une CPTS est d’accueillir des professionnels libéraux ET des structures de soin.

Cela explique que malgré le choix, il n’y ait que des structures associatives qui soient créés.

QUE PENSEZ-VOUS JUSTEMENT DU STATUT LOI 1901 POUR LA CRÉATION DE CPTS ?

MAÎTRE JEAN-MARC LE GALLO : Même si le statut associatif est totalement privilégié, il n’est pas pour autant tout à fait adapté parce qu’il est à but non lucratif.

Or les CPTS ont des professionnels de santé qui exercent leur activité dans le prolongement de leur vie professionnelle. À partir du moment où les communautés rémunèrent leurs membres, l’association perd son statut à but non lucratif et devient une association lucrative.

Mais le Ministère de la Santé et l’ARS préconisent ce statut avant toute chose, et nous suivons leurs recommandations tant qu’ils n’auront pas créé un nouveau statut. Une évolution législative est à prévoir pour avoir une forme mieux adaptée.

À titre d’exemple, les maisons de santé ont été dans cette situation auparavant, et c’est pourquoi il y a eu la création des SISA pour les statuer.

De plus, le statut associatif est le seul qui permet aux CPTS de regrouper la diversité des métiers de la santé dont les quatre professions socle : les médecins, les pharmaciens, les masseurs-kinésithérapeutes et les infirmiers ; mais également beaucoup d’autres professions de santé comme les psychologues, les ostéopathes, ou les établissements de santé. Enfin, l’association permet plus facilement d’organiser la gouvernance que ne le ferait une structure commerciale.

COMMENT JONGLER ENTRE LA VIE DE LIBÉRAL ET LA VIE EN COMMUNAUTÉ S’IL N’Y A PAS RÉMUNÉRATION POSSIBLE ?

MAÎTRE JEAN-MARC LE GALLO : Les professionnels de santé peuvent tout à fait participer aux CPTS en tant que membre ou en tant que représentant.

L’ARS et la CPAM ont alloué un budget dédié à la réalisation d’un certain nombre d’objectifs en matière de santé publique, dont une partie peut être redistribuée pour les professionnels de santé qui accomplissent les missions des CPTS. Dans ce cas-là les revenus qui sont redistribuées aux professionnels de santé, sont des sommes imposées et fiscalisées. C’est-à-dire que ce sont des rémunérations qui seront ajoutées aux autres rémunérations des professionnels de santé.

En somme, la CPTS organise l’activité des professionnels de santé en fonction des besoins du territoire, dans le cadre de l’exercice coordonné. C’est comme si l’État où l’ARS avait délégué la structuration du territoire de santé à une entité libérale. Mais la CPTS n’a pas vocation à exercer une activité médicale en tant que telle, c’est un outil.

Les professionnels se regroupent et décident de la manière dont ils vont travailler pour améliorer les soins et le parcours du patient sur ce secteur. Par exemple pour organiser un tour de garde, développer la télé médecine, s’assurer que tout le monde puisse avoir un médecin sur un territoire…

SI TOUT LE MONDE S’ACCORDE À UN STATUT ASSOCIATIF, POURQUOI FAIRE APPEL À UN AVOCAT ?

MAÎTRE JEAN-MARC LE GALLO : Parce que notre rôle justement, c’est d’aider les porteurs de projet à trouver un équilibre dans leur statut. Dans les CPTS il peut y avoir 100 à 150 professionnels de santé d’horizons divers : des kinés, des pharmaciens, des médecins, des ostéopathes etc…

Nous devons trouver une règle juridique qui va permettre de représenter toutes les tendances et tout le monde dans la structure.

Dans le processus, nous allons passer du temps avec les porteurs de projet pour saisir la façon dont ils veulent fonctionner, la façon dont ils veulent traduire ce projet de santé et pouvoir ainsi le transposer à un statut qui lui permette de fonctionner.

L’enjeu c’est de trouver un équilibre entre la représentativité de toutes les professions, tout en étant opérationnel. Il faut une représentativité du plus grand nombre, mais en même temps qu’on puisse décider que les sujets ou les projets puissent avancer. C’est un savant équilibre.

À l’heure actuelle, nous sommes intervenus sur 15 dossiers et j’ai 15 statuts différents avec 15 modes de fonctionnement différents. Il y a des structures avec un leadership important et d’autres où la gouvernance est plus souple. Ce qui est important pour nous les juristes c’est que leur statut corresponde bien à leur projet de santé (organisation, évolutions à prévoir…). 

QUELS SONT LES CONSEILS LES PLUS RÉCURRENTS QUE VOUS DONNEZ AUX PORTEURS DE PROJETS ?

MAÎTRE JEAN-MARC LE GALLO : Le conseil que je donne le plus souvent c’est l’importance d’avoir bien en tête la façon dont ils veulent fonctionner quand la CPTS sera en ordre de marche.

Parce que quand elle regroupera 150 professionnels de santé, il faut d’une part que chacun se sente concerné et soit représenté. Mais d’autre part, il faut quand même des leaders ou un groupe de leaders pour une prise de décisions et avoir une certaine maitrise du développement de l’association.

C’est là où réside la difficulté, c’est là où réside la nécessité d’être accompagné afin de faire émerger un projet représentatif plus grand nombre tout en restant opérationnel.

À QUELLES DIFFICULTÉS ÊTES-VOUS RÉGULIÈREMENT CONFRONTÉ ?

MAÎTRE JEAN-MARC LE GALLO : La principale difficulté que l’on a c’est de pouvoir traduire dans les statuts la sensibilité de toutes les professions sans déséquilibrer le projet.

Nous avons parfois une multiplicité de demandes qu’il faut pouvoir arbitrer. Quand nous avons beaucoup d’interlocuteurs autour d’un même projet, il faut tenir compte des aspirations et souhaits de chacun pour statuer, et plus il y a de personnes plus il est difficile de le faire.

D’où l’intérêt que les porteurs de projets soient des personnes qui aient une position forte pour pouvoir canaliser toutes les demandes et les aspirations des nouveaux adhérents, c’est ça qui est important. Il faut un socle fort au départ pour initier et monter le projet puis après l’équipe peut alors se développer avec des règles du jeu déjà définies et établies.

Dans l’idéal, nous intervenons le plus en amont possible, en même temps que l’URPS lorsqu’ils avancent sur le projet de santé, pour que nous puissions intervenir le plus rapidement possible dans la structuration le projet. Et ensuite les porteurs de projets ouvrent au plus grand nombre, une fois que les règles du jeu sont déjà en place.

QUELLES RECOMMANDATIONS DONNERIEZ-VOUS À DES PORTEURS DE PROJET QUI SONGENT À MONTER UNE STRUCTURE MAIS QUI HÉSITENT ENCORE ?

MAÎTRE JEAN-MARC LE GALLO : De ne surtout pas hésiter à faire appel à notre aide dans la définition du statut de leur communauté !

D’expérience, toutes les structures que nous avons vu pour lesquelles nous ne sommes pas intervenus, nous avons systématiquement été obligé de les reprendre.  Il y avait plein d’aspects, soit de représentativité, soit de gouvernance, soit d’activité/ d’objet social, qui n’avait pas été dit bien défini. Inévitablement, les membres du projet vont devoir refaire une assemblée générale pour modifier le statut, et il est souvent très difficile de le faire.

Nous pensons qu’il est important d’être bien conseillé dès le démarrage, pour pouvoir envisager tous les aspects juridiques de la structure et avoir le statut juridique le mieux adapté au projet.

J’ajouterai une dernière chose : aujourd’hui une bonne connaissance du secteur des professionnels de santé est nécessaire pour ce type de structures nouvelles. Soyez vigilants, très peu de cabinets ont ces connaissances spécifiques.

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