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REGARDS INTERPRO : LES INFIRMIÈRES RACONTENT LEUR CPTS

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Parce que l’un des plus grands défis à relever pour que les CPTS soient une réussite est la coordination interprofessionnelle : apprendre à travailler ensemble, partager l’information, collaborer de manière fluide…

C’est pourquoi, nous lançons une nouvelle série d’interviews pour mettre en avant les points de vue des différentes professions de santé. Après un échange avec les pharmaciens, c’est au tour des infirmiers de partager leur vision.

 Servanne Amsellem et Valérie Lapierre, infirmières libérales, sont toutes deux engagées dans un projet de CPTS, respectivement en tant qu’adhérente de la CPTS ANTIPOLIS  et membre du conseil d’administration de la CPTS SYNAPSE-COMTAT VENAISSIN. Pleinement engagées dans la valorisation du rôle que joue les infirmières dans le parcours de soin, elles sont convaincues que les CPTS et l’exercice coordonné sont la bonne solution pour l’avenir.

 

1. POURQUOI AVEZ-VOUS DÉCIDÉ D’INTÉGRER UNE CPTS ? 

Servanne Amsellem

Les infirmières ont déjà l’habitude de travailler en équipe. Personnellement, j’ai toujours appréhendé l’exercice libéral comme un exercice collectif. C’est la raison pour laquelle, avant la CPTS, je faisait déjà partie d’un cabinet de 4 infirmières.

Par ailleurs, je suis également membre de l’UDIL, une association pour permettre aux infirmières libérales, de se regrouper afin d’échanger leurs expériences et de partager leurs connaissances. Ainsi, intégrer une CPTS, avec son approche pluri-professionnelle, me paraissait évident tant elle permettra une meilleure prise en charge du patient. Car la CPTS, en fluidifiant les relations entre les différents professionnels de santé, enrichira les échanges.

De plus, comme la loi de santé allait nous y contraindre, j’ai préféré  pouvoir choisir plutôt que de me le faire imposer.

Valérie Lapierre

J’ai développé mon activité libérale depuis 28 ans dans un des bassins de vie de la CPTS. Je connais les spécificités de ce territoire avec une activité agricole importante mais aussi un milieu plus urbain dans lequel s’installe une frange de la population plus précaire. Au niveau de notre cabinet de soins infirmiers, il nous est arrivé de prendre en soin jusqu’à quatre générations au sein d’une même famille. Alors, dès que j’ai entendu parler du projet de création d’une CPTS, j’ai tout de suite souhaité en faire partie.

L’activité des IDEL repose  sur la réalisation de soins (prescrits ou issus du Bilan de soins Infirmiers), mais tout ce qui entoure le soin est effectué dans l’ombre. Je parle ici de l’organisation des soins, de la permanence des soins, de la continuité des soins, de la prise en charge de soins non programmés. Les CPTS vont nous permettre d’officialiser tout ce travail, de l’organiser et ce à l’échelle du territoire. Cela permettra une reconnaissance du savoir-faire des IDEL. Ils sont déjà le lien entre les différents professionnels de santé. Les CPTS vont nous permettre de gagner du temps, d’améliorer les parcours de soins afin d’assurer des prises en charge de patients plus efficientes et de développer des projets de prévention à leur égard. Des outils de communication seront mutualisés, des parcours seront créés…

Je pense que les CPTS peuvent nous permettre de préserver l’exercice libéral des professionnels de santé en mettant en lumière leurs pratiques.

 

2. QUELLES DIFFICULTÉS AVEZ-VOUS RENCONTRÉES DURANT LA CONSTITUTION DU PROJET ?

S. A

En tant qu’adhérente, je n’ai pas vraiment ressenti de difficulté. Je m’étais déjà pas mal renseignée de mon côté sur les CPTS. Et en tant qu’infirmière, j’avais été invitée à des réunions d’information organisées par l’UDIL ou par l’URPS. Je trouvais cela important  d’être là dès le commencement. Je voulais comprendre ce que cela aller changer dans mon quotidien et mon mode d’exercice. J’ai donc adhéré très facilement, cela a été assez naturel.

V. L

Disons que l’épidémie a eu un double effet. D’un côté, cela a été un frein en empêchant  la rencontre en présentiel des professionnels de santé et donc en ralentissant la possibilité de fédérer autour du projet. Et en même temps, cela nous a aidé à tisser des liens, notamment par des initiatives de solidarités ou encore l’organisation d’actions pour faire face la crise sanitaire.

 

3. QUELS SONT LES INTÉRÊTS POUR UN INFIRMIER D’INTÉGRER UNE CPTS ?

S. A

Pour moi, c’est pour le patient et son suivi. Avec la CPTS, je souhaite pouvoir travailler plus vite ensemble pour le bien-être du patient et donc faciliter sa prise en charge pluridisciplinaire. Une prise en charge par les professionnels libéraux mais également en collaboration avec l’hôpital. J’espère que la CPTS, nous permettra une meilleure coordination entre la médecine libérale et la médecine hospitalière, notamment au moment de la sortie ou de l’entrée d’un patient. La CPTS doit permettre de faire tomber la barrière en l’hôpital et la ville.  

V. L

L’intérêt selon moi, c’est de permettre aux IDEL mais aussi à l’ensemble des professionnels de santé d’un territoire de faciliter la communication entre eux afin de mieux se connaître pour pouvoir travailler ensemble. Si l’on devait donner une formule ce serait : « Pour que chacun dans sa singularité comprenne l’autre dans sa spécificité ». De même, les CPTS devront nous permettre d’améliorer le lien avec l’Hôpital en créant véritablement une continuité des soins. Tous ces projets sont stimulants, enrichissants. C’est toute la complémentarité des professionnels de santé qui est à mettre en évidence.

 

4. QU’EST-CE QUI SELON VOUS POURRAIT ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉ DANS LA STRUCTURE ?

V. L

Je pense que l’une de nos priorités doit être la création d’une interface commune pour créer la continuité des parcours de soins. Il s’agirait d’un outil de communication permettant de partager ensemble une série d’informations, et ainsi de mieux de se coordonner, pour améliorer le suivi du patient.

 

5. QU’EST-CE QUI A CHANGÉ POUR VOUS DANS L’EXERCICE DE VOTRE PROFESSION DEPUIS QUE VOUS AVEZ INTÉGRÉ UNE CPTS ?

 S. A

Très concrètement, la CPTS Antipolis a été créée en Février de cette année, et heureusement qu’elle l’a été avant la crise sanitaire. Sans elle, nous serions sentis très seules pendant le confinement. Nous n’avions pas de matériel, masques et solutions hydro-alcoolique notamment, la CPTS nous en a fourni avec l’aide des mairies. Nous étions régulièrement informés sur l’évolution de l’épidémie, sur les mesures à prendre. Une solidarité s’est également organisée avec la mise en place de groupes d’entraide pour échanger sur nos difficultés au quotidien. Ensuite la CPTS, avec l’aide de l’UDIL, a créé une équipe d’infirmières pour s’occuper, en dehors des tournées habituelles, des patients Covid. Nous nous sommes donc sentis soutenus et surtout accompagnés. La CPTS nous a permis de sortir de l’isolement dans lequel la crise nous plongeait.

V. L

Dans mon quotidien, je me sens plus informée, notamment grâce à nos relations avec l’ARS. Je développe sans doute une approche dans la prévention et je suis plus proactive dans mon mode d’exercice. Je subis moins, je suis plus actrice dans mon activité. Je suis sortie de mon simple exercice pour aller vers plus de transmissions et d’échanges.

Je pense également que les patients doivent être considérés comme des acteurs de la CPTS. Pour se faire, ils doivent être informés du projet et de ses évolutions. La réussite de la CPTS dépend aussi d’eux.

 

6. QUID DES RELATIONS AVEC LES MÉDECINS ?

S. A

Pour nous les infirmiers sont à la manœuvre et à l’initiative de la création de la CPTS. Concernant les médecins sur notre territoire, peut-être existe-t-il un problème générationnel. En effet,  nous avons beaucoup de médecins proches de la retraite qui peuvent ne pas considérer l’intérêt de l’adhésion à une CPTS. En revanche, on sent que les jeunes médecins ont en envie de faire évoluer leur mode d’exercice vers plus de collaboratif et collectif.

V. L

Effectivement, sur le territoire de notre CPTS, les infirmiers et les pharmaciens sont moteurs. Les médecins sont parfois plus modérés. Leur posture s’explique principalement par une logique opérationnelle. Ils sont débordés, nombre d’entre eux n’ont pas de secrétariat et certains sont proches de la retraite. Et ils ont l’habitude d’exercer seuls,  même si cela n’est pas facile. Ils se sont organisés et n’envisagent pas de bousculer un quotidien déjà complexe. Mais l’épidémie a joué un rôle pour développer l’intérêt autour de la CPTS et notamment auprès des spécialistes qui ont dû fermer eu leur cabinet. Et ils se sont ainsi naturellement rapprochés de la communauté pour recueillir des informations.

 

7. AVEZ-VOUS DE NOUVEAUX PROJETS EN COURS DANS VOTRE STRUCTURE ?

S. A

Pas concrètement de nouveau projet, mais je suis convaincu que se regrouper c’est l’avenir. Exercer seule est devenu impossible et la crise le prouve avec force !

V. L

L’étape d’après serait de rajouter à notre exercice quotidien des actions de prévention ou des campagnes santé publique. Il serait également important de développer des logiques de formations communes entre plusieurs professions de santé afin de mettre en place une véritable démarche pluri-professionnelle. La CPTS doit devenir un outil de formation continue en décidant par exemple chaque année de se concentrer sur une thématique précise et de se fixer des objectifs concrets en lien avec le projet de santé.

IDEL

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